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L'électricité électrocute
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L'électricité électrocute
9 décembre 2007

Sur le haut d'une colline

J’étais sur le haut d’une colline quand j’en vins à cela. Qu’est-ce qui m’arriverais si je devenais, du jour au lendemain, célèbre de partout et riche comme un roi? Est-ce que je perdrais mon humanité, ma pudeur linguistique? Est-ce que je me sentirais plus libre? Peut-être j’apprécierais le pouvoir que tout cela implique. Peut-être je deviendrais tout à fait une autre personne, hors de mon contrôle. Je serais peut-être ivre de tout cela. Ma tête deviendrais grosse comme une mongolfière, à jamais dans les airs. Je commencerais par renier ma famille. Je les traiterais de ratés. Ils deviendraient pour moi des pseudo humains qui se contentent de la pelure des oranges, satisfait du rude goût de leurs vies. Je me dirais qu’ils ne m’ont jamais rien apporté de bon, qu’ils me pourrissent la vie de leurs préoccupations si primaires. Je les chasserais de mon monde. Ma mère m’admirerait, je la mépriserais de ne pas avoir réussis comme moi. Ma sœur m’envierais, je la traiterais comme un chien qui attend la récompense de son maître. Je lui donnerais mes nonosses avec violence. Ils seraient pathétiques. J’aimerais les femmes à mes pieds. Je voudrais qu’elles marchent à genou à côté de moi, deux par deux, de préférence, pour qu’elles puissent se battre pour moi comme des poules pas de tête. Je les laisserais se griffer jusqu’au sang, s’arracher les yeux pour moi, puis je les jetterais dans la rue toutes nues, ruisselantes de sang. Je les laisserais crever du froid qu’elles tentaient de fuir. J’en attacherais une douzaine dans mon palais, disposés un peu partout. Je voudrais les voir espérer, toujours et sans cesse. Elles m’espérerais, elles me voudraient un peu plus compréhensif et moins violent. Cela m’enragerais. Je leur ferais construire des niches ou elles vivraient toutes nues. De temps en temps, j’apprécierais de petits jeux pour me divertir. J’enfermerais alors mes domestiques dans mes congélateurs, pour voir comment ils se sortent de situations délicates. Je les regarderais souffrir et m’implorer. J’en deviendrais de plus en plus agressif. Je les observerais tenter de se nourrir avec de la viande congelé, la suçant avec espoir d’obtenir un peu de protéine. Leur dévouement leur casserait les dents. Ils se frotteraient avec force et sauteraient pour se réchauffer, mais ils ne feraient que s’épuiser plus rapidement. Je les trouverais imbéciles. Et quand ils finiraient par mourir, au moins, ils seraient congelés et puerait moins que du temps de leur vivant. Je deviendrais arrogant. Je roulerais avec ma voiture sur les trottoirs, pour éviter la circulation. Je ne voudrais pas être l’ingrédient d’un mélange d’abaissement et d’innocence humaine. J’écraserais peut-être des piétons, j’anéantisserais des kiosques de boutiques minables. Cela ne me ferais pas un pli. Quand une femme m’embrasserais, je lui dirais : « tu ne t’es pas fait la barbe, salope » et quand elles me montreraient leurs seins je leur dirais : « mais qu’est-ce que c’est que ça, c’est pour nourrir les chiots? ». La ville s’enlaidissait du haut de ma colline. Je commençais à avoir le vertige. Lorsque je m’abaisserais à aller sur la rue, au milieu des autres, je marcherais la tête tellement haute que je ne verrais pas les enfants. Mes genoux, comme poussés par une assurance hideuse, leur fracasseraient le visage. J’en serais mal pour mes pantalons tachés de sang. Quand je verrais des clochards, implorant l’humanité de les faire vivre, je deviendrais hors de moi. Je sortirais des billets de mon porte-feuille et les glisseraient dans un égout, juste pour voir leur réaction. Et quand ils se pencheraient au dessus de la bouche d’égout, espérant de tout leur cœur de minable que l’argent n’est pas disparu, je leur lancerais mes sous noirs à la figure, pour les consoler. Ce serait une des rares choses qui m’amuserais. Mon dédain serait infini. Mes amis me trouveraient différent. Je leur dirais que c’est eux qui sont restés moches et sans avenir. Qu’ils sont des moins que rien. Pour les réconforter, je leur dirais que certaines personnes peuvent bien avoir tout les talents; ils n’en sortiront pas plus de leurs salons appauvris et souillés, qu’ils sont destinés à s’imaginer une vie dans la gloire et la richesse qu’ils n’auront jamais. Je leur paierais des voitures aux roues dévissées, et quand ils se blesseraient dans un accident, ils comprendraient que je ne leur donnerais jamais rien, qu’ils n’auraient qu’à se magner le cul et se sortir eux-même de leur ignorance. J’en aurais rien à foutre du monde. Je serais un trou noir d’attentions et d’affections. J’aspirerais tout sur mon passage. À n’en plus finir, je me gaverais de tout ce qu’il y a de bon en ce monde pour mieux le vomir sur les autres. Le rêve est un sale pervers. J’en étais là quand je décidai de descendre de ma colline. Je commençais à être étourdi et j’avais envie de vomir pour de vrai. Je descendis les jambes autour du cou. Arrivé en bas, j’eus comme la sensation d’un soulagement des plus sincères. On est bien les deux pieds sur terre, quand même.
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